Militant.e entrepreneur.e - Portrait de Vincent CLOTAGATIDE

Aujourd’hui co-gérant de la SCIC RUN-ENFANCE, Vincent CLOTAGATIDE nous fait part de son parcours et de sa vision de l’entrepreneuriat dans l’ESS. Invité au congrès ESS par l’ONU au Canada, le lauréat du Prix National des jeunes créateurs solidaires – Edition 2012, attribue avec humilité sa reconnaissance aux personnes et aux institutions qui l’ont soutenu.

Portrait de : Vincent CLOTAGATIDE

Son leitmotiv : Fais de ton mieux, vas-y !!!! Tu auras essayé.
Son métier : Co-Gérant
Structure : SCIC RUN-ENFANCE
Activité : Gère des établissements d’accueil de jeunes enfants dont 16 micro-crèches, 2 crèches, 1 relais Maison Assistantes Maternelle et 2 Lieux d’Accueil Enfants-Parents
Effectif : 81 salariés dont une dizaine de salariés/associés

Née en 2011 de la fusion de deux associations, la SCIC Run Enfance accueille des jeunes enfants et leurs parents dans un esprit d’équité et de coopération alliant utilité sociale et durabilité économique.

Présentez-nous votre parcours - "L’ESS un parcours de vie ?"

L’éducation populaire vecteur d’activité économique
Mes premières expériences professionnelles se sont faites au sein d’une association qui intervenait dans le champ de la Résorption de l’Habitat Insalubre. J’ai tout d’abord été animateur de quartier, ce qui impliquait un travail de proximité afin de préparer les habitants à la transformation de leur environnement et de leur mode de vie. Puis, en tant qu’Agent de Développement Local sur la commune de Saint-Paul, j’ai accompagné une quarantaine d’associations notamment dans la mise en place d’actions de dynamisation, d’Ateliers Chantiers d’Insertion, d’Atelier d’accompagnement à la parentalité, en lien et en réponse aux besoins du territoire. Ces actions se sont ancrées dans une véritable dynamique de quartier pour un développement socio-économique du secteur, et l’implication des habitants a donné lieu à la création de différentes activités économique.

Un parcours d’étude de l’accompagnement des associations à la co-gérance d’une SCIC
J’ai un parcours d’études 100% made in local. Après un Brevet d’Etat Animateur Technicien de l’Education Populaire, je me suis formé tout en construisant ma carrière professionnelle. J’ai donc obtenu un diplôme Universitaire de Médiation d’Éducation Populaire, puis une licence en management des organisations de l’ESS. Dans cette continuité, j’ai validé un Master en Management des Organisations de l’ESS.
Sollicité par les membres de l’association Vue Belle Zordi, structure dynamique que j’accompagnais auparavant, j’ai intégré le Conseil d’Administration. Nous avons mis en place plusieurs projets dont la création d’une micro-crèche. C’est dans ce cadre que les membres du Conseil d’Administration de Vue Belle Zordi ont rencontré les membres de l’association A Votre Service qui oeuvrait également dans le champ de la petite enfance.
Les projets de développement communs, les valeurs et la vision que nous partagions ont donné lieu à la fusion des deux associations en 2010 pour créer neuf mois plus tard la SCIC Run Enfance. Quelques années après ce chalenge je me suis remis dans un parcours de formation à La Réunion même avec l’Ecole Supérieure de Commerce de Paris Europe dans le but de parfaire mes compétences en tant que dirigeant.

Pourquoi avoir fait le choix d’entreprendre autrement ?

Nous avons entrepris autrement car nous voulions mettre en place une nouvelle forme de gouvernance qui impliquait et qui incluait les salariés dans les prises de décision de la vie de l’entreprise. L’objectif était également de permettre une gestion démocratique et partagée « 1 personne = 1 voix », alliant visibilité et transparence.

Pourquoi le choix de ce statut ?

Le choix du statut SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) s’est fait sur la base de plusieurs éléments :
La volonté d’entreprendre autrement en permettant aux salariés de participer aux décisions au sein de l’entreprise en devenant associés et donc, d’avoir cette double-qualité d’associé-salarié.
Nous avons voulu également développer le multi sociétariat en permettant aux différentes parties prenantes dans le champ de la petite enfance (parents, financeurs, collectivités) d’accéder au statut d’associé.
De plus à la différence d’une association Loi 1901 qui ne dispose que d’un Fonds Associatif, la SCIC comme toute société est constituée par un capital qui permet de disposer de fonds propres, de rassurer les partenaires et d’intéresser d’éventuels investisseurs. Ceci constitue un réel avantage sur l’association pour laquelle il est souvent difficile de trouver des capitaux.
Nous ne sommes pas dans une logique d’enrichissement personnel mais bien dans une politique de gestion collective, et en ce sens chaque année s’il y a excédents, 100% de ces derniers sont mis en réserves afin de financer des actions d’intérêts collectifs.
Par ailleurs nous avons voulu non seulement développer le multi sociétariat, en permettant aux différentes parties prenantes de l’entreprise d’accéder au statut d’associés, mais aussi garder nos valeurs en maximisant l’investissement public, en mutualisant les fonctions et les dépenses, mais aussi en croisant différents modes de financements et d’autofinancements.

Quelles valeurs défendez-vous ?

Notre coopérative a pour engagement d’accueillir la famille et l’enfant et de permettre à ce dernier de développer ses compétences, de s’épanouir en s’ouvrant au monde qui l’entoure. Pour cela, à la SCIC Run Enfance, nos valeurs reposent sur :

La bienveillance : elle s’exprime dans les gestes, les mots, les attitudes que nous pouvons retrouver en chaque professionnel(elle) sur les structures. Elle est en permanence réajustée en fonction des capacités de chaque enfant.
L’indulgence envers soi-même et les autres : l’enfant doit apprendre à faire des choix. L’erreur ne doit pas être vécue comme une sanction mais plutôt comme une expérience riche en enseignements.
La connaissance de soi : s’acquière par la verbalisation de leurs besoins, leurs rêves, leurs opinions, leurs intérêts, par l’expression de ce qu’ils aiment ou n’aiment pas. Par un questionnement régulier, les équipes amènent l’enfant à s’exprimer afin de l’aider à forger lentement sa personnalité.
L’estime de soi : les encouragements et les remarques positives développent l’estime personnelle chez les enfants. Les équipes participent activement à l’acquisition de cette valeur quotidiennement à travers les jeux, les activités, l’entraide, la solidarité, etc.

Comment celles-ci se traduisent au quotidien ?

Nous accueillons toutes les familles sans distinction de revenu tant que des places sont disponibles au sein de nos micro-crèches et de nos crèches. Les Lieux d’Accueil Enfants-Parents que nous proposons sont des espaces d’échanges, d’apprentissages, de transmissions et de capitalisation des pratiques. D’ailleurs cette même philosophie anime notre Relai d’Assistantes Maternelles.
Souhaitant contribuer au développement social, l’humain est également au centre de notre politique RH car nous privilégions l’embauche en CDI pour des emplois durables. Nous sommes aussi un espace de formation tant pour notre personnel, que pour accompagner la professionnalisation des jeunes souhaitant exercer auprès des jeunes enfants.

Quels sont vos prochains défis ?

L'ambition de la Scic RUN-ENFANCE est de créer des services utiles pour la population, en réponse aux besoins répertoriés et dans le souci constant de proximité, du dialogue social, et de transparence. Dans ce cadre nous avons plusieurs projets innovants, dont la finalisation est prévue pour 2022. A cet effet nous envisageons une montée en compétence de nos équipes.

Selon vous qu'est-ce l’ESS apporte au territoire réunionnais ?

L’ESS c’est entreprendre en intégrant diverses dimensions, économique, sociale, sociétale, et solidaire.
Elle apporte au territoire des solutions qui prennent en compte l’Humain, elle contribue et favorise considérablement le développement local réunionnais à travers la création de richesse.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à ceux qui veulent entreprendre dans l’ESS ?

Le conseil que je donnerai c’est de ne rien lâcher au moment où le découragement apparaitra. Il est également important de se faire accompagner dans notre entreprenariat, avant et pendant par le mentoring ou le parrainage.
Et je dirai juste que seul ceux qui prendront le risque d’aller trop loin découvriront jusqu’où on peut aller.